INS HEA et Handi’Sciences - Académie des Sciences et La main à la pâte - Octobre 2011 Projet Sciences et Handicap
Présentation
L’Institut National Supérieur de formation et de recherche pour l’éducation des jeunes Handicapés et les Enseignements Adaptés (INS HEA) l’Académie des sciences et La main à la pâte ont ainsi entrepris une recherche prenant appui sur différents contextes de scolarisation des élèves handicapés.
L’objectif premier est de voir si un enseignement des sciences fondé sur l’investigation peut utilement servir à la formation de ces jeunes et, si tel est le cas, de s’interroger sur les conditions permettant d’optimiser l’utilisation de la démarche : ressources à mobiliser, aménagements à mettre en place, etc.
Une première phase d’expérimentation s’est déroulée au cours de l’année scolaire 2010-2011, auprès d’élèves scolarisés dans sept CLIS 1 (handicap mental) et quatre CLIS 4 (handicap moteur). Cette enquête exploratoire a concerné onze enseignants répartis dans 7 villes ou régions de France (Amiens, Troyes, Ile de France, Grenoble, Lyon, Marseille, Perpignan), autour d’équipes variant entre 2 et 4 personnes qui ont accompagné les expérimentations. Cette première phase a permis de collecter toutes sortes de données, que l’équipe INS HEA-La main à la pâte a commencé d’analyser.
Parallèlement ont été entreprises les discussions menant à la signature d’une convention entre l’Académie des sciences et l’INS HEA en mars 2011, afin de promouvoir leur coopération, de permettre d’en assurer la mise en oeuvre dans le cadre de la création de la Fondation de coopération scientifique, et d’inscrire les actions entreprises en matière de handicap dans l’avenant 2011[1] de la convention quadriennale signée avec le ministère de l’Éducation nationale en 2005, convention renouvelée en 2009 avec ce partenaire et incluant depuis lors le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Un premier bilan des expérimentations a pu être établi lors d’une journée d’étude réunissant en avril 2011 les différentes équipes engagées dans le projet, et quelques résultats préliminaires ont été présentés en juin 2011 au Comité des partenaires de La main à la pâte de l’Académie des sciences.
Protocole de l’expérimentation exploratoire 1) Fourniture d’outils aux enseignants pour la mise en oeuvre de l’expérimentation (Le projet s’est appuyé sur les ressources de l’équipe La main à la pâte et de l’INS HEA).
Quatre séquences thématiques (à développer en quatre à cinq séances chacune), conçues à partir du site de La main à la pâte, ont été proposées aux enseignants : « La boussole », « Flotte ou coule », « Le circuit électrique », « Le déplacement des lombrics ». Chaque enseignant en a choisi une et l’a mise en œuvre dans sa classe entre novembre 2010 et mars 2011.
Des fiches ont été remises aux enseignants, précisant pour chaque thème les objectifs notionnels, méthodologiques, et les progressions possibles dans le cadre de la démarche d’investigation ;
Un accompagnement scientifique et pédagogique, inspiré de l’ASTEP, a été mis en place.
Du point de vue scientifique, l’accompagnement établi lors de rencontres ou d’échanges en-dehors de la classe, avait pour objectif d’apporter à l’enseignant toutes les connaissances scientifiques qui lui paraissaient nécessaires. Pour certains, cette aide a complété la préparation du déroulement ; pour d’autres, elle a permis d’ouvrir des pistes pour poursuivre le travail au-delà de la séquence. Il a été décidé de ne pas faire venir le scientifique dans la classe pour éviter d’éventuelles tensions.
Du point de vue pédagogique, l’accompagnateur a réalisé des entretiens initial et final avec les enseignants (à partir d’un guide d’entretiens et d’une fiche destinée à en préparer la synthèse), et a parfois facilité, ou réaménagé, le lien avec le scientifique. Dans certains cas, il a fourni des apports pédagogiques adaptés à la demande de l’enseignant. Parfois, le suivi a été plus proche encore et le pédagogue a pu observer et analyser l’ensemble des séances.
2) Premier bilan.
Toutes les équipes participant au projet, qui a rassemblé une quarantaine d’enseignants, de scientifiques, de conseillers pédagogiques ou de formateurs, originaires de diverses régions (en plus des villes déjà nommées, Le Mans, Flavigny sur Moselle, Reims et quelques localités de la région parisienne) ont été réunies lors d’une journée d’étude tenue à l’INS HEA le 1er avril 2011.
L’objectif : leur permettre de présenter leurs travaux, de confronter leurs observations et leurs interrogations. Il s’agissait également de dégager ensemble les éléments les plus saillants apparus au cours de l’expérimentation, qu’il s’agisse de la démarche d’investigation dans ce contexte particulier que constitue l’enseignement des sciences auprès d’élèves en situation de handicap, ou des formes de son appropriation par ces élèves.
Des groupes ont été mis en place pour engager la réflexion dans quelques directions préalablement retenues dont :
le développement des compétences langagières (orales et écrites), la représentation, la trace, la schématisation (de la réalisation, de l’observation, de l’expérience) ; la résolution de problèmes ; l’apprentissage du travail en groupe (travail collectif et non seulement individuel) ; l’importance des manipulations dans la motivation et l’apprentissage des élèves ; la bonne distance de l’enseignant, entre "aider et faire" ;
Premiers résultats
Cette journée a permis de dégager un certain nombre de résultats, en particulier de percevoir et d’expliciter certains apports et certaines limites de l’exprimentation, afin de les mettre à l’épreuve dans une deuxième étape.
Toutes les séquences étaient achevées au moment de la journée d’étude, certaines se prolongeant parfois par de nouvelles séquences. Deux CLIS 1 ont travaillé sur « La boussole », trois CLIS 1 et deux CLIS 4 sur « Le circuit électrique », une CLIS 1 et deux CLIS 4 sur « Flotte et coule » et une CLIS 1 sur « Le déplacement des lombrics ». Tous les enseignants ont été satisfaits de ces séquences, même si la plupart, en raison des différences entre handicaps, ont été amenés à en subdiviser certaines en plusieurs parties
Un point assez surprenant : malgré de grandes différences entre les groupes d’élèves et les contextes des CLIS, les participants ont relevé peu de différences dans les difficultés rencontrées (les différences relèvant plutôt de variations dans les modalités d’application du protocole) : ils ont en particulier souligné celles qui, chez les élèves, sont liées à l’écrit, à la représentation et la schématisation.
L’analyse des entretiens initiaux et finals (une vingtaine d’enregistrements d’entretiens, plus de vingt-cinq retranscriptions et synthèses), même si elle n’est pas terminée, a permis de dégager un certain nombre de constantes. Ainsi :
la démarche, perçue comme bénéfique pour le raisonnement, a permis aux élèves « de penser à une idée et de la confronter au réel », « les élèves ont adopté une attitude très active de chercheur », « de réfléchir avant de proposer une réponse » ;
tous les enseignants ont reconnu l’apport du travail en groupe et tout particulièrement pour ces élèves qui ont l’habitude de travailler individuellement.
certains ont trouvé que les activités expérimentales ont conduit les élèves à mieux mémoriser.
pour la moitié des enseignants, ce type d’enseignement permet aux élèves d’accepter que « l’hypothèse proposée ne soit pas validée et de comprendre que cela ne veut pas dire que « c’est mal ». Ils ont plus confiance en eux. Certains vivent l’erreur maintenant comme partie prenante de l’apprentissage ».
Quelques enseignants ont évalué leurs élèves en fin de séquence voire, pour une enseignante, six semaines plus tard, et ils ont été surpris par ce que les élèves avaient acquis.
Tous les enseignants qui se sont lancés dans ce travail souhaitent vivement continuer l’an prochain, tout en s’impliquant dans la recherche engagée.
Perspectives et suites du projet
A la suite de l’analyse et de la rédaction des résultats, quelques axes de recherche ont été choisis. Ils permettent à l’équipe INSHEA-MAP de proposer une nouvelle phase d’expérimentation qui se présente comme suit :
Une douzaine d’enseignants de CLIS et d’établissements vont participer à cette aventure et 5 séquences leur sont proposées (une en électricité, une sur l’air, une sur le Soleil , une sur l’arrosage des plantes et une autre sur les cinq sens)
Pour les entretiens et les séquences proposées, nous avons choisi de nous focaliser sur deux axes :
les traces écrites (dessin, schéma, texte). Pour ce faire, nous allons, en particulier, demander à tous les enseignants que chaque élève ait un cahier d’un format particulier (le format de la classe de CLIS de Troyes), mais pas seulement.
beaucoup d’enseignants nous ont parlé de rituel, comme par exemple, refaire faire en début de séance ce qui a été fait la séance précédente, etc. Nous envisageons de mieux étudier ce rituel et de voir en particulier l’impact d’une évaluation formative en début ou fin de séance
Nous pensons qu’il faudrait continuer à accompagner l’enseignant (un scientifique et un pédagogue). En ce qui concerne le scientifique, nous avons décidé de ne pas imposer à celui-ci de venir en classe pour de nombreuses raisons. En effet, il existe des classes où cela risque de perturber considérablement les élèves. En revanche, il est conseillé qu’en fin de séquence (de suite ou quelques semaines plus tard) le scientifique puisse aller dans la classe répondre aux questions des enfants (ce qui a été fait par Edith Saltiel en mai 2011 à Tullins, sur la demande de l’enseignante qui ne voulait pas au départ que le scientifique vienne dans sa classe). Cette position nous semble raisonnable et permettra à terme que le scientifique soit bien accueilli dans la classe et ne perturbe pas les enfants. Ce serait bien aussi que des académiciens acceptent par exemple d’aller en fin d’année dans une de ces classes
[1] Le 2e volet de cet avenant devrait être très prochainement rediscuté avec le MEN (financement de 5000 € demandé à la DGESCO).